France Info, chronique "C'est mon boulot" de Philippe Duport du 22 septembre 2011, où je suis interviewé sur l'art et la manière de parler de soi.
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Vous avez dit Ressources Humaines... ?
Le blog d'Yves Maire du Poset
France Info, chronique "C'est mon boulot" de Philippe Duport du 22 septembre 2011, où je suis interviewé sur l'art et la manière de parler de soi.
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France Info, chronique "C'est mon boulot" de Philippe Duport du 8 septembre 2011, où je suis interviewé au sujet du malaise des cadres.
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BFM Radio, émission Good Morning Business de Stéphane Soumier du 5 septembre 2011, où je suis interviewé au sujet des "bonnes pratiques" pour réussir son intégration dans une nouvelle entreprise ou un nouveau poste.
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Dans l’entreprise, il est des sujets qui font l’unanimité mais dont la réalité, parfois bien éloignée de l’idée de départ, déçoit. Prenez par exemple la formation, la créativité ou encore le développement : à la simple évocation de ces mots, tout le monde applaudira mais pas forcément à l’arrivée…
La mobilité est l’un de ces sujets favoris sur lesquels tout le monde s’accorde au départ : « il faut bouger, il faut changer, c’est bon pour le corps et les neurones ». Au fond rester dans l’immobilisme, ce serait choisir l’oxydation finale !
Par voie de conséquence, cette mobilité devrait être une pratique banale dans l’entreprise. Pourtant, elle ne marche pas : c’est ce que disent toutes les enquêtes menées sur ce sujet (enquêtes annuelles INSEE et APEC). Elle reste en effet cantonnée à la mobilité verticale (je grimpe d’un échelon donc je suis mobile) et à la mobilité externe (je sors donc je suis mobile).
Quant à la vraie mobilité, qui consiste à opérer un réel changement de métier ou de fonction ou encore de département au sein d’une même entreprise, celle-ci, inférieure à 3%, reste poussive. Chacun en effet se défie naturellement de ce qui peut, dans le changement, présenter des risques : « par les temps qui courent, je préfère ne pas changer… » ou bien : « je préfère ne pas prendre le risque de recruter quelqu’un qui n’est pas exactement conforme aux standards de mon métier, de mon secteur, de mon département » ou encore : « pourquoi susciterais-je la mobilité des bons éléments de mon équipe… ? » Et c’est ainsi que l’immense majorité des salariés ne connaît jamais de mobilité !
Cependant, il faut ajouter que les transformations des 30 dernières années n’ont guère favorisé cet esprit de mobilité dans l’entreprise : l’évolution de son organisation vers un modèle matriciel, avec des temps de travail de plus en plus courts, des exigences venant de l’actionnaire plus dures que jamais… Tout ceci dans un contexte plus ouvert et plus international. Bref des changements radicaux qui non seulement ont entraîné une perte de confiance générale mais ont franchement diminué l’attrait pour la mobilité, des salariés comme du management !
C’est comme cela que faute de mobilité, l’entreprise s’est quelque peu oxydée, perdant ainsi beaucoup de sa puissance relationnelle qu’il lui faut désormais retrouver !
Aussi, pour réussir ce pari d’une mobilité interne, salutaire pour l’entreprise, il faut impérativement réunir trois conditions sur le plan pratique : d'abord, en haut lieu, une vraie volonté de mobilité clairement affichée comme un objectif majeur ; ensuite des outils faciles à utiliser par tous, avec une Bourse de l’emploi qui marche, un référentiel métiers compréhensible, une gestion de carrière véritablement formée à l’Evolution professionnelle ; enfin, il faut une aide à la préparation des salariés eux-mêmes pour renforcer leurs capacités relationnelles afin de les rendre vraiment actifs dans leur recherche de mobilité interne. Car c’est sur ce troisième point crucial que, toujours, le bât blesse : une bonne préparation des personnes est en effet un puissant carburant pour accélérer la mobilité interne. S’en priver, c’est se contenter d’une mobilité en panne…
Aussi, afin de réactiver ce trio vertueux, je suggère, en parallèle au développement des compétences techniques (qu’il ne faut évidemment pas diminuer), de relancer des programmes de formations aux techniques relationnelles avec deux priorités : apprendre au salarié à parler savamment de son offre professionnelle et de ses ambitions et lui apprendre à retrouver le chemin du lien avec les autres ; dans l’entreprise comme hors de l’entreprise. Il ne suffit pas en effet de parler du Réseau (comme tout le monde), encore faut-il savoir l’activer avec doigté et professionnalisme !
Et puis former ses salariés au relationnel, cela ne présente que des avantages pour l'entreprise ! Quand on a formé quelqu’un, on se l’attache ! Pour nos jeunes dont tout le monde craint l’esprit d’indépendance, n’est-ce pas le moyen le plus efficace de les remettre dans le rang ? Pour nos seniors dont l’actuel mauvais traitement les fait se rétracter, n’est-ce pas le bon moyen de les remettre professionnellement « en devenir » ? Question : l’entreprise a-t-elle vraiment réfléchi aux nombreuses conséquences vertueuses d’un esprit de mobilité retrouvé grâce au relationnel ?
Hélas, sur le sujet du relationnel, l’entreprise ressemble le plus souvent à ces parents qui, craignant par trop le dehors, se retrouvent quelques années plus tard « scotchés » mais dedans, avec leurs Tanguy !
Pour en savoir davantage, lien vers :
France Info, chronique Tout Comprendre de Pascal Le Guern, émission du 13 avril 2011, où je suis interviewé au sujet de mon livre "Le Savoir-Vivre en Entreprise"
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France 5 - Interview de Yves Maire du Poset par Odile Gnanaprégassame publiée le 3 juin 2011
Comment définir le savoir-vivre en entreprise ?
Yves Maire du Poset : Le savoir-vivre est un état d’esprit avant tout. Il ne s’agit pas uniquement de formules ou de gestes de politesse. Faire preuve de savoir-vivre consiste à être en situation d’empathie envers les autres, c’est-à-dire être à leur écoute et chercher à comprendre leurs attentes. Il est toujours préférable d’aller vers les autres avec sympathie plutôt que s’en défier a priori. Les règles du savoir-vivre sont les mêmes en entreprise et dans la vie quotidienne. A un détail près, l’entreprise génère en plus une pression du résultat.
En quoi le savoir-vivre est important lorsque l’on intègre une nouvelle entreprise ou un nouveau service ?
Y. M. du P. : L’entrée dans l’entreprise est un moment clef. C’est à vous de faire le premier pas et d’aller à la rencontre de vos collègues. N’attendez pas que l’on vienne vers vous et organisez un vrai rendez-vous avec chacun d’eux. Le secret est d’être à l’écoute de l’autre, et de le faire parler en premier. Vous avez tout à y gagner : on verra que vous êtes à l’écoute et vous en apprendrez davantage sur l’entreprise et son fonctionnement. Vous avez réussi votre entrée dans l’entreprise si vous réussissez à connaître vos collaborateurs et collègues sans vous mettre en avant.
Faire face à un différent avec un collègue : une situation à risque. Comment s’y prendre ?
Y. M. du P. : Le seul moyen de sortir d’un différent, c’est d’en comprendre la nature. Si vous allez au coeur du problème, bien souvent, vous vous apercevez qu’il ne s’agit pas d’un problème de fond mais de forme. Il vaut mieux choisir de comprendre avant de faire la guerre. En cas de désaccord, la marche à suivre est la suivante : commencez par dire "Oui, tu as raison", pour ne pas bloquer la conversation, puis vous enchaînerez en exprimant les raisons de votre désaccord pour terminer par l’exposition de pistes ouvertes afin de régler ce désaccord.
Y a-t-il une bonne manière de demander quelque chose ?
Y. M. du P. : Lorsque vous formulez une demande, par exemple à votre assistante, il est inutile d’employer un ton désobligeant. Adressez-vous à votre assistante comme vous vous adressez à votre patron. Montrez-lui que vous savez que son métier n’est pas facile. Et si c’est bien demandé, on ne vous refusera rien. Ce n’est pas parce qu’on est diplômé de l’enseignement supérieur que l’on doit rouler des mécaniques !
Vous insistez sur l’importance de préparer à l’écrit ce que l’on a à dire ?
Y. M. du P. : Faire preuve de savoir-vivre, c’est respecter l’autre. En toute situation, il faut lui envoyer un message clair. En cas de désaccord, ou si vous souhaitez faire un reproche à un collègue, cela se prépare ! Prenez le temps de poser par écrit ce que vous allez dire, cela permet de prendre du recul et de ne pas dire de bêtises. Ne réagissez pas à chaud.
Dans quelle mesure le savoir-vivre contribue-t-il à la réussite professionnelle ?
Y. M. du P. : Si vous voulez bien travailler, mettez-y les formes. C’est l’une des clefs de l’efficacité et de la réussite professionnelles. Et cela aura d’autant plus d’impact que le relationnel est en net recul dans le monde de l’entreprise. Si ce que vous avez produit n’est pas idéal, mais que vous y avez mis les formes, personne ne vous en voudra, on cherchera même à vous aider. Vous pouvez être le meilleur professionnellement, mais si vous manquez de savoir-vivre, vous allez au devant de difficultés. Le savoir-vivre optimise les chances d’arriver au bout de votre projet. L’ambition n’est pas antagonique au savoir-vivre, bien au contraire. Un manager ambitieux a tout intérêt à ce que son équipe le suive. Or en faisant passer les choses par la force il ne va rien obtenir. Faites preuve de savoir-vivre, vous serez reconnu, ce qui est idéal pour gravir les échelons, se créer un réseau et rester informé sur ce qui se passe.
Le savoir-vivre au quotidien
En arrivant le matin : ayez le sourire, dites "bonjour" au portier, à la standardiste etc., ça ne mange pas de pain. Un petit mot tous les jours, cela instaure la relation. Attention, cela ne veut pas dire que l’on doit passer trois heures à la machine à café le matin, il faut rester professionnel.
En open space : la cohabitation est difficile. Cela vous oblige à redoubler d’attentions et d’efforts. Rangez votre bureau, ne parlez pas trop fort, ne faites pas trop de bruit, soyez discret en somme.
En réunion : arrivez à l’heure, préparez vos interventions, et écoutez bien afin de pouvoir vous montrer critique sur ce qui est dit, dans le bon sens du terme.
En soirée ou séminaire d’entreprise : c’est un passage obligé, vous devez jouer le jeu. Mais jusqu’à un certain point : vous n’êtes pas obligé de faire n’importe quoi.
Lien vers l'interview sur le site de France 5 :
http://emploi.france5.fr/job/efficace/integration-entreprise/69055437-fr.php
Article écrit par Fabien Renou et publié le 31 mai 2011 sur le Journal du Net (un article auquel j'ai modestement contribué...)
Vous commencez à emmagasiner de l'expérience et vous aimeriez bien évoluer dans votre entreprise et dans votre carrière ? Malheureusement, la seule promotion possible passe par le management d'équipe. Or, vous n'avez pas les épaules, l'ambition ou même l'envie d'encadrer les autres. Comment faire passer le message ? Quelles autres voies emprunter ? Quelles solutions adopter pour ne pas rester bloqué ? Voici nos réponses.
Lire la suite sur le Journal du Net
http://www.journaldunet.com/management/emploi-cadres/progresser-sans-manager
Pas si facile de conduire sa carrière par les temps qui courent…
Car depuis 30 ans, les cadres ont été mis à mal. Entre les transformations des dernières années qui ont littéralement éclaté les responsabilités dans l’entreprise et les injonctions de toutes sortes qui leur sont tombées dessus, on peut dire que les cadres ont perdu du terrain sur trois tableaux : leur importance quant à la décision managériale a diminué ; leur rôle a été transformé par l’hypertrophie technique du monde professionnel : de relais avant tout relationnels, chargés de transmettre la bonne parole, ils sont devenus de simples relais techniques ; enfin leur temps a été soumis à une pression si aiguë qu’ils ont été privés de toute réflexion personnelle sur leur évolution.
En somme, un déséquilibre s’est produit qui a progressivement renfermé les cadres sur eux-mêmes et leur technique ; entraînant, à leur insu, un immense recul du relationnel dans l’entreprise.
Conséquence de ces changements : les cadres ont perdu la main sur leur avenir ! Et, plus que jamais, ils souffrent de deux maux : faute d’un temps suffisant de réflexion personnelle, ils ne maîtrisent plus leur offre professionnelle et ils souffrent d’isolement. Présenter son offre professionnelle de manière synthétique, concrète et convaincante - un exercice pourtant on ne peut plus vital dans l’entreprise - est devenu une vraie difficulté, voire une souffrance… Or n’étant pas à l’aise dans cet exercice, comment espérer d’eux qu’ils aillent vers les autres et enrichissent leurs liens ainsi que ceux de l’entreprise ?
Constat plus cruel encore : appauvris dans leur fonction, ils continuent d’être sollicités dans l’entreprise pour leur exemplarité… en dépit d’un climat relationnel asséché, fait bien souvent de perte de confiance et de sens, de démotivation et de stress… Autant de faits qui ajoutent à l’affaiblissement de leur position.
Face à cette contrainte, comment peuvent-ils reprendre la main ? Et comment l’entreprise peut-elle les y aider ?
La voie que je recommande est celle-ci : il faut que les cadres améliorent leur Marketing de soi et que l’entreprise les aide dans cette nouvelle mission dont la vocation à terme est de réactiver le relationnel en son sein.
L’entreprise doit en effet leur proposer de travailler sur de nouveaux outils qui les sortent de leur isolement et de cette rétractation mortifère sur leur seule fonction technique. Les cadres doivent pouvoir travailler sur eux et sur leur offre : sur leurs atouts, leurs succès et sur leur caractère distinctif. Avec l’idée de retrouver un peu de leur puissance comme Hercule qui, « par les monstres qu’il cherchait et qu’il écrasait, se prouvait à lui-même sa propre puissance. » (ALAIN) Mais surtout avec l’objectif de reconstruire des liens solides avec leurs pairs, en interne comme en externe, et d’en tirer bénéfice.
Fierté ainsi retrouvée de savoir parler de soi et envie réactivée de partager avec les autres…, voici de nouvelles sources pour redorer le blason des cadres. Et, par effet naturel de leur rôle de transmetteurs de ces nouveaux outils maîtrisés, de redorer celui de leurs équipes !
C’est donc à un nouvel état d’esprit vertueux que j’invite les cadres et l’entreprise et dont les effets bénéficieront à tous ! Un état d’esprit qui favorisera le lien et l’ouverture aux autres, en interne comme en externe ; qui, par la conscience plus forte que les cadres auront de leurs possibilités, les optimisera et en élargira le champ ; un état d’esprit, enfin, qui, par le travail sur soi et sur le relationnel auquel il conduit, augmentera l’esprit de mobilité et de créativité dont l’entreprise a tant besoin.
Journal du Net, Tribune du 4 mai 2011
La littérature au secours du monde économique
Nombreux furent ces derniers mois les commentaires peu élogieux fustigeant certains comportements irresponsables de dirigeants, à commencer par ceux de la banque et de l’assurance rendus en partie responsables de la crise
Tous ces excès ont pourtant été disséqués par les grands auteurs et il faut souhaiter à l’aube de cette nouvelle décennie que les décideurs, chefs d’entreprise, cadres, redécouvrent toutes les subtilités des relations humaines contenues dans leurs œuvres.
Une scène des Trois Mousquetaires : d’Artagnan demande une faveur à Monsieur de Tréville, Capitaine des Mousquetaires du Roi. Il s’agit d’aller chercher en Angleterre, en urgence et dans le secret le plus absolu, les ferrets que la Reine a confiés à son amant. Monsieur de Tréville questionne d’Artagnan. Celui-ci, dans sa jeunesse et son empressement, s’apprête à vendre la mèche et trahir ainsi celle qui lui a confié ce secret… Monsieur de Tréville, flairant la fragilité de d’Artagnan :
- « Ce secret est-il à vous ?
- Non, Monsieur, c’est celui de la Reine.
- Etes-vous autorisé par Sa Majesté à me le confier ?
- Non, Monsieur, car au contraire le plus profond mystère m’est recommandé.
- ….
- Gardez votre secret, jeune homme et dites-moi ce que vous désirez. »
Dans ces quelques lignes, une formidable leçon de vie est donnée : si un secret ne vous appartient pas, vous avez le devoir de ne jamais le livrer. Quand on a lu Les Trois Mousquetaires, on connaît cette règle précieuse sur la confidentialité que l’on met parfois bien du temps à comprendre si l’on n’a pas eu la chance de bénéficier d’un tel bon exemple. On saura donc l’appliquer très vite dans l’entreprise comme d’ailleurs dans la vie personnelle.
Le livre forme aux relations humaines. C’est l’immense privilège de la littérature, outre le divertissement qu’elle procure, d’offrir sur un plateau d’argent de telles leçons. Sur tous les thèmes essentiels de la vie, elle foisonne des meilleurs ingrédients : pour se construire, pour comprendre le monde et rencontrer les autres. Le lecteur y trouvera les bons exemples qui sauront le guider comme d’ailleurs les mauvais dont il saura se défier. Avec un temps d’avance sur les autres, il entrera dans la compréhension de « ces relations humaines brumeuses, approximatives, crépusculaires, indéterminées, mêlées de fureurs impondérables : la confiance, l’espérance, le cœur… pour lesquelles il faut avoir la manière… » (Vladimir Jankélévitch) ». C’est avec de tels exemples initiatiques que nous comprenons combien la maîtrise des relations humaines est « le » vecteur de la réussite. Des relations humaines sur lesquelles nous sommes malheureusement de moins en moins formés. L’école n’a-t-elle pas déserté ce qui fait l’essentiel de la littérature : l’histoire avec ses personnages et leurs relations, au seul profit de l’étude de la structure du récit ?
Mais revenons dans l’entreprise où un fait d’évidence a manifestement été oublié : ce que nous produisons dans le travail, quels que soient le niveau, la fonction ou le secteur, est toujours le savant mélange de la technique et du relationnel ; ou bien encore de ce que l’on appelle « savoir-faire » et « savoir-être ». Par exemple, ce qui fait la force du lien que j’ai avec mon client ne vient pas seulement des bons conseils techniques ou des savants produits que je peux lui proposer mais aussi et surtout des solides relations que j’ai su construire avec lui au fil du temps. Négligez l’un ou l’autre de ces éléments et un déséquilibre se produira qui mettra aussitôt en péril votre performance !
Le livre, une grande école de management. Déséquilibre ? On dit que l’entreprise se déshumanise, que nous vivons dans un monde où l’absolu de la technique et du chiffre a pris le pas sur tout, que la vitesse de la modernité et son « zapping » nous rendent ivres - nos enfants aussi - et nous éloignent subrepticement des vraies réalités ; que nous sommes en recul sur la notion d’approfondissement des connaissances : on ne réfléchit plus assez, surtout au long terme, c’est-à-dire à notre avenir. On dit qu’il y a péril en la demeure de l’entreprise sur le sujet de la relation entre les équipes, entre les générations - comme dans la société d’ailleurs ; qu’il y a menace également dans certains secteurs avec les clients qui, de plus en plus, sont considérés non pas comme ceux que l’on doit servir mais comme des vaches à lait … On dit tant de choses sur la folie des Hommes dans les affaires que l’on peut se demander s’il n’est pas temps d’y réintroduire un peu d’humanité et de raison afin de contrarier tous leurs excès et ainsi combler ce « manque comportemental ». Humanité et raison dont le côtoiement de la littérature facilite grandement l’accès. Car c’est là le rôle principal de la littérature : instruire les Hommes de toutes les réalités de notre monde ; un monde humain, faut-il le rappeler… ?
L’entreprise a plus que jamais besoin de littéraires. Quelques exemples d’apprentissages utiles en guise de saines tentations de lecture : vous voulez apprendre à activer votre réseau ? Un sujet très à la mode et qui en dit long sur la pauvreté de nos relations humaines en ces temps modernes. Voyez dans Le Père Goriot* comment Rastignac s’y prend, et avec quelle habilité, pour pénétrer le tout Paris de l’époque, avec pourtant de bien pauvres moyens. Vous ne savez pas comment faire pour « remonter les bretelles » d’un collaborateur ? Lisez la Confusion des Sentiments* et vous découvrirez comment un père, déçu par son fils dépravé, sait de main de maître le re-mobiliser sur son avenir. Vous ne savez pas comment faire passer un message difficile à quelqu’un tout en cherchant à vous en faire un allié ? Lisez donc La princesse de Clèves*, vous comprendrez comment, de manière si subtile, le Duc de Nemours s’y prend avec Madame de Clèves pour, à la fois, lui avouer sa faute, qu’elle connaît, et s’en remettre à son jugement et à sa liberté sur les conséquences de son acte.
Avec de tels exemples formateurs, l’entreprise a en effet beaucoup à gagner : sur les thèmes du savoir-vivre, de l’empathie, de la morale individuelle et de l’honnêteté, sur celui de l’art de manager et d’exercer son pouvoir de manière responsable ; sur la beauté du travail bien fait, sur le contrôle de soi… Pas un seul de ces domaines qui ne soit largement traité par la littérature ! Grâce à quoi, un bon lecteur sera mieux armé dans l’entreprise. Il aura en effet rencontré tant de personnages, tant de situations humaines complexes qu’il saura par expérience comment faire si la vie les lui fait rencontrer ou si des circonstances semblables se présentent. Ne nous y trompons pas, en refaisant une vraie place à la littérature, partout où on le peut, c’est aussi d’efficacité économique dont il s’agit !
* Le Père Goriot de Honoré de Balzac, La Confusion des Sentiments de Stefan Zweig, La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette
Une chose n’a pas été dite dans cette affaire : elle illustre magnifiquement le déni de l’expérience que la société moderne affiche partout. Elle montre que l’expérience n’est pas nécessaire pour atteindre des sommets. Un constat qui reste incroyable quand on sait la place que celle-ci occupe dans l’alchimie de la compétence et de la réussite professionnelle.
On avait connu ça avec J2M, brillant expert financier mais sans culture de management, passé en un éclair à un rôle de manager d’une entreprise de 120 000 salariés : il n’a pas fallu plus de quelques mois pour que l’enfant explose avec son joujou… Or faut-il rappeler que toute une génération de décideurs a contribué à son couronnement ?
Le sort pitoyable des seniors sur le marché de l’emploi est un autre exemple de ce déni de l’expérience. Même constat pour les jeunes qui ont un mal fou à faire reconnaître par les entreprises les mérites qu’ils ont acquis en multipliant leurs stages ! A croire que les leçons tirées de l’expérience ne servent pas…
Pourtant on parle beaucoup d’expérience dans l’entreprise : dans les Bilans de Compétences où elle est analysée mais aussi par l’entremise de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) ; avec également l’essor de l’alternance que certaines écoles de renom ont cherché à développer. Tout ceci donnant l’impression d’un hommage constant rendu à l’expérience.
Hélas, la réalité est tout autre : quand on sait la difficulté de faire valoir sur le marché du travail une candidature sans le diplôme ou l’âge requis, quand on voit le nombre confidentiel de Bilans de Compétences faits en France et la réalité des prises en compte des VAE dans l’entreprise, on est en droit de se poser des questions. D’ailleurs, le fait même d’avoir été obligé de mettre en place un processus de VAE si lourd pour témoigner de son expérience en dit long sur le peu d’intérêt que l’entreprise a pour l’expérience. Quant aux formations en alternance, elles restent l’exception.
Oui, le sort actuel réservé à l’expérience est inquiétant. Rappelons que ce qui fait la valeur ajoutée de l’offre professionnelle d’un salarié est constituée de plusieurs éléments dont l’expérience n’est certainement pas le moindre. Au départ, ce salarié dispose de connaissances provenant en partie de son parcours scolaire et universitaire. Il possède aussi des motivations qui expriment ce qui l’attire naturellement. Il dispose enfin d’une personnalité construite avec le temps et qui fait de lui plutôt l’Homme de l’analyse ou de la synthèse, celui du détail ou de la vision globale, celui du concept ou du concret, ou encore celui de l’imagination ou des réalités, etc. Or ces trois ingrédients - connaissances, motivations et personnalité - ne peuvent avoir de réalité si l’expérience n’y a pas mis son grain de sel. C’est elle seule qui met en marche ces trois éléments de manière profitable : avec la confrontation aux réalités qu’elle provoque mais surtout avec la formidable rencontre des autres qu’elle permet et l’apprentissage des savoir-être qui en découle, l’expérience rend enfin possible l’émergence d’une véritable compétence. C’est cette part de culture humaine irremplaçable apportée par l’expérience qui donne tout son sens au travail.
C’est pour toutes ces raisons que la compétence ne peut être appréciée valablement sans reconnaissance de l’expérience. En faisant fi de son mérite, on se prive de ce fameux coup de main qui fait que la mayonnaise de la compétence va prendre avec le temps et donner confiance en soi. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons accéder à la conscience aiguë de ce que l’on est capable de faire avec aisance comme à la découverte de nos limites.
Mais voilà, la compétence acquise grâce à l’expérience est un concept plus compliqué à évaluer que l’appréciation de simples connaissances abstraites, des diplômes ou de l’âge. Or ne nous y trompons pas : c’est en raison même de la complexité de son évaluation que l’expérience est déniée. Il est en effet plus facile de cantonner son attention aux évidences ou à ce qui est chiffrable en tournant le dos aux domaines comportementaux et relationnels infiniment plus subtils à percevoir. Mais faire l’impasse sur cette part d’humanité vertueuse qu’apporte l’expérience, c’est faire un pari dangereux sur la réussite professionnelle. Et c’est, hélas, prêter le flanc à un monde qui court aveuglément vers la déshumanisation du travail.
La crise financière récente n’en est-elle pas le meilleur exemple ? N’apporte-t-elle pas la preuve irréfutable que si la maîtrise des mathématiques permet, sans doute, d’exceller dans l’art de faire de savantes opérations financières, elle conduit, sans expérience humaine véritable, à des comportements sans intelligence et à de sombres échecs ?